Cette figuration a de multiples sources. Dans le Tarot des Visconti, le char se présente de profil, comme dans bien des dessins de la Renaissance illustrant le thème classique des « Triomphes ». Les autres cartes montrent Le Chariot de face, selon une tradition continue. Char de la guerre, avec Mars présent dans le Tarot de Mantegna, char du triomphateur ou du chef politique, on retrouve cette figure aussi bien dans la Bible à propos de la vision d'Ezéchiel que dans l'astrologie pour figurer le char du Soleil.
Si l'auteur du Tarot des Visconti présente une femme sur le char, comme s'il s'agissait de la figure allégorique d'une Vertu, on trouve un homme sur la plupart des autres. Van Rijnberk, en rappelant la légende d'Alexandre entraîné par deux oiseaux géants dans les airs pour s'assurer si la Terre et le Ciel se touchent au bout du monde, ne fait d'abord que remettre en mémoire un thème souvent repris depuis les premiers siècles. La fascination commence réellement lorsque le savant auteur analyse les illustrations de cette légende dans les oeuvres du Moyen Age où l'on voit Alexandre entraîné dans les airs sur un trône tiré par deux griffons. L'un des spécimens les plus curieux est constitué par « ... un relief de date incertaine dans l'église de Saint-Marc à Venise. Ici les griffons ont apparence de chevaux ailés. Le véhicule où Alexandre est assis ressemble plutôt à un chariot : il a deux roues minuscules. La position du Roi, la situation symétrique des griffons, tout cela rappelle exactement l'image du Chariot de la lame VII du Tarot. Il y a même un détail qui pourrait avoir son importance symbolique : l'un des griffons ailés a la tête et les pattes de devant noires, les autres sont blanches ».
Cette référence montre comment une figure d'apparence simple - le triomphe d'un vainqueur - peut se trouver chargée de connotations symboliques : la quête d'un être aux confins de l'univers, entraîné par des forces divergentes ou complémentaires. On s'interroge souvent sur le curieux dessin des roues du Tarot de Marseille dont la perspective est fausse ; sans doute expriment-elles cette dualité accordée à la couleur différente des chevaux. Il est remarquable que ni le Tarot de Charles VI, ni celui des Visconti, ni le Minchiate, ni le Tarot de Mantegna n'expriment cette complexité. Comme nous l'avons déjà souligné, le Tarot de Marseille incorpore à la tradition chrétienne originelle des éléments de sources diverses, et cette lame VII manifeste avec éclat combien ces éléments peuvent être porteurs de symbolisme. Bien entendu, les occultistes du XIXème siècle suivent le mouvement pour aboutir à cette interprétation d'un Pitois : « Un guerrier monté sur un char cubique dont les quatre colonnes symbolisent les quatre éléments, le char cubique signifie l'oeuvre édifiée par la volonté victorieuse des obstacles, le guerrier est couronné d'un cercle d'or, image de la lumière éternelle ; il tient d'une main le glaive, signe de victoire et de l'autre un sceptre surmonté d'un carré (la matière), d'un cercle (l'éternité) et d'un triangle (la divinité), il porte une cuirasse, emblème de la force, elle est ornée de trois équerres qui symbolisent le jugement, la volonté et l'action ; une sphère aux ailes déployées, sur le devant du char, indique l'exaltation de la puissance intellectuelle dans l'infini de l'espace et du temps. Deux sphinx attelés au char sont au repos, l'un noir est le Mal, l'autre blanc est le Bien, tous deux soumis au Mage qui est sorti des épreuves. » Une fois de plus, une interprétation de cette sorte, trop stricte, risque de figer les symboles ; il suffit de se retourner vers le Tarot de Marseille pour rêver de nouveau.
Chaque détail compte alors : nous avons parlé des roues curieusement disposées, mais on s'interroge aussi dans certains cas sur l'inscription du blason. Hélas, le plus souvent elle n'a rien d'occulte mais représente seulement la signature du cartier.