Voici la quatrième et dernière des vertus cardinales. Il existe une identité entre les différentes illustrations. Tout au plus peut-on remarquer que, dans certains cas, La Tempérance verse depuis le vase tenu dans la main droite vers celui qu'elle tient dans sa main gauche alors que c'est l'inverse ailleurs. Les Tarots de Charles VI et des Visconti sont en accord sur ce point, mais le Tarot de Mantegna comme le Tarot de Marseille change ce sens. Il ne semble pas que les occultistes se soient appesantis sur ce détail, mais dans la mesure où un côté du corps est lié à la conscience et l'autre à l'inconscient, cela peut avoir de l'intérêt.
Une relation a été établie entre cette lame et le signe astrologique du Verseau. « Le Verseau, écrit Oswald Wirth, remplit le rôle de l'Indra, le dieu des Pluies fertilisantes qui, dans le panthéon chaldéen, correspond à Ea, le maître de l'Océan surcéleste où se diffuse la Sagesse suprême. Celle-ci se répartit aux humains par le véhicule de l'eau qui tombe des hauteurs. De là le caractère sacré de l'eau lustrale et son rôle dans les purifications initiatiques. » Malgré des références de ce genre, la lame XVII, L'Étoile, parait plus proche du Verseau car si la source arrose généreusement, La Tempérance mesure.
De l'astrologie, on peut aussi passer à l'alchimie et l'on fait parfois de cette image le symbole même de cet art. A ce titre, il s'agit d'une transformation spirituelle pouvant aller jusqu'à la réincarnation des âmes. Van Rijnberk nous rappelle à ce sujet que, dans la Grèce classique, l'acte de verser d'un vase dans un autre est pris comme synonyme de métempsycose. A ce propos, on constate que les lames du Tarot qui expriment une transformation, un mouvement, sont nombreuses, la vie manifestant une évolution constante et le Tarot représentant les forces qui organisent cette vie, il serait étonnant que ces figures proposent des images statiques.
A titre indicatif, et comme nous l'avons fait pour le commentaire de Court de Gébelin se rapportant à la lame IX, voici intégralement le commentaire de Pitois consacré à cette carte ; il est extrait de son ouvrage l'Homme rouge des Tuileries :
« XIV, Nombre 50, lettre Naïn (N) ; Correspondances : 1° Monde divin, le Mouvement perpétuel de la Vie ; 2° Monde intellectuel, la Combinaison des Idées ; 3° Monde physique, la Combinaison des Forces élémentaires. Symbolisme : les deux urnes. - Trône de Typhon, génie de la constellation du Scorpion. - Influence de Tepiseuth, esprit planétaire du Soleil.
Hiéroglyphe : le génie du Soleil, versant d'une urne dans l'autre les essences de la vie. - C'est le symbole des combinaisons perpétuelles des forces élémentaires, et de la succession de tous les modes d'existence. Dans l'Horoscope, cet arcane répond : consulte tes forces, non pour reculer devant les obstacles, mais pour user ceux-ci peu à peu, comme la goutte d'eau use la pierre. L'initiative réfléchie, calme et persévérante t'élèvera par degrés au sommet que tu veux atteindre. »
Avec La Tempérance s'achève un autre cycle : comme le Chariot termine la première suite de sept cartes, voici la fin de la seconde. Les lames suivantes auront un caractère cosmique plus marqué, surtout avec La Maison-Dieu, les planètes et Le Monde.