Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim, médecin et philosophe, naquit à Cologne, le 14 septembre 1486.
Doué de beaucoup d'esprit et d'érudition, il était d'une humeur chagrine, et tous ses écrits sont marqués au coin d'une critique outrée et d'une satire amère ; comme Paracelse, son contemporain, auquel on l'associe, il se plaisait à avancer des paradoxes. Sa carrière, moitié scientifique, moitié politique, fut toujours orageuse; il suivit d'abord le parti des armes, servit pendant sept ans en Italie dans les armées de Maximilien Ier, et reçut, en récompense de sa valeur, le titre de chevalier ; quittant ensuite cette carrière, il étudia le droit, la philosophie, la médecine et les langues ; venu en France en 1506, il fut nommé, en 1509, professeur d'hébreu à Dôle, où il expliqua publiquement le livre de Reuchlin, de Verbo mirifico. Ses querelles avec les cordeliers le firent bannir de cette ville ; alors il alla à Londres, où il donna aussi des leçons. A son retour d'Angleterre, il professa la théologie à Cologne, et, en 1511, fut choisi par le cardinal Santa-Croce pour siéger comme théologien à un concile tenu à Pise. Peu après, il professa à Pavie et ouvrit des cours sur Mercure Trismégiste.
En 1515, il professait à Turin ; mais, toujours agité par son humeur inquiète, il ne put y rester longtemps. Nommé syndic et orateur à Metz en 1518, cette ville semblait enfin lui offrir un asile et un repos durable ; cependant il fut encore contraint de s'en éloigner, parce qu'il avait combattu avec trop de violence l'opinion vulgaire qui donnait trois époux à sainte Anne et surtout parce qu'il avait pris le parti d'une jeune paysanne accusée de sorcellerie. Après avoir demeuré quelque temps à Fribourg, en Suisse, et à Genève, et vu s'anéantir l'espérance d'obtenir une pension du duc de Savoie, il s'établit à Lyon, en 1524, et y commença l'exercice de la médecine, dix-huit ans après avoir reçu le titre de docteur. Sa hardiesse et sa suffisance suppléèrent au défaut de connaissances pratiques. Les siennes se bornaient à un répertoire de formules qu'il employait empiriquement. Il n'en n'obtint pas moins une réputation assez brillante pour que Louise de Savoie, mère de François Ier, le nommât son médecin ; mais cette princesse voulait qu'il fût aussi son astrologue. Agrippa répondit qu'il ne devait pas être employé à satisfaire une vaine curiosité. Cette réponse eût pu n'être que l'expression de son mépris pour un art toujours futile et quelquefois dangereux ; mais que dut-on penser d'Agrippa, lorsque l'on sut que, dans le même temps, il pronostiquait au connétable de Bourbon, armé contre la France, les plus brillants succès ?
Chassé de France, il se livra d'abord à tout l'emportement de son caractère, mais enfin il fut obligé de songer à un nouvel établissement. Tel était le renom qu'il s'était acquis parmi ses contemporains ignorants et superstitieux, que le roi d'Angleterre, deux seigneurs d'Allemagne et d'Italie, et Marguerite, gouvernante des Pays-Bas, l'appelèrent en même temps près d'eux. Il préféra s'attacher au service de la princesse, sœur de Charles V, qui le fit nommer historiographe de cet empereur. Elle ne tarda pas à être fortement prévenue contre lui; mais elle mourut peu de temps après et Agrippa composa son oraison funèbre. Il avait publié, quelque temps auparavant, son ouvrage de la Vanité des sciences, qui fut vivement censuré par ses ennemis ; mais ils s'élevèrent avec encore plus de force contre la Philosophie occulte qu'il publia peu après à Anvers, et qui le fit accuser de magie. Des protecteurs puissants ne purent empêcher qu'il ne fût jeté dans les prisons de Bruxelles.
Après un an de détention, il se rendit à Cologne, dont l'archevêque avait reçu la dédicace de sa Philosophie occulte, et ne craignit point de retourner en France avec le dessein de s'établir à Lyon ; mais à peine était-il dans cette ville, qu'il y fut arrêté pour avoir écrit contre la reine mère. Sorti de prison, il alla finir à Grenoble sa carrière orageuse, dans un hôpital, en 1533, à l'âge de 47 ans, ou, suivant d'autres, à Lyon, en 1534. [Note F.-S. : Agrippa est en fait mort à Grenoble en 1535]. Il avait parlé avec de grands égards de Luther et de Melanchthon ; mais il ne professa jamais publiquement la religion réformée, et fut catholique autant que pouvait l'être un homme qui distribuait des formules pour composer de parfums et des talismans magiques, etc. On a peint assez bien cet homme singulier, lorsqu'on a dit de lui : « Nulli hic parcit; contemnit, scit, nescit, fiet, videt, irascitur, incitatur, carpit omnia. Ipse philosophus, dæmon, heros deus, et omnia. » Son portrait se trouve dans les Icones de Reusner, dans la Bibl. Chalcogr. de Boissard, et au frontispice de plusieurs de ses écrits.